La grosse saucisse de Morteau ou « jésu de Morteau » (les Mortuaciens, habitants de Morteau (Doubs), l’écrivant sans « s » final par respect pour la religion1) est faite avec de la viande de porc (la « mêlée » étant un mélange de jambon, d'épaule, de poitrine, de bardière de longe et de parage de découpe), fumée dans un tuyé. Le porc de Franche-Comté a obtenu l’IGP (Indication Géographique Protégée) le 30 octobre 2010.
Un tuyé ou tuhé (prononcer tué), c’est le foyer de la pièce principale des anciennes fermes du Haut-Doubs, notamment dans le Saugeais (alentours de l’abbaye de Montbenoît) et la région de Morteau, Maîche, Le Russey, etc. On y fait brûler – à même le sol, du bois ou de la sciure de sapin ou d’épicéa, mais aussi du genévrier et la fumée qui s’élève va lentement imprégner les jambons, le lard, les palettes, les saucisses suspendues à des barres horizontales, afin de leur donner une couleur ambrée et cette saveur boisée absolument inimitable. Puis la fumée remonte par une immense cheminée qui débouche sur le toit par un orifice ouvert ou fermé par deux volets qu’on actionne avec des chaînes en fonction de la direction du vent.
Pour se conformer au cahier des charges du « jésu de Morteau », maintenant connu au niveau national (il n’est pas rare d’en voir affiché au menu des brasseries parisiennes, y compris tout près de la gare de Lyon), cette saucisse doit être fumée au moins 48 heures dans un tuyé.
Le jésu est de forme grossièrement cylindrique, sa surface étant plus irrégulière que celle d’une saucisse habituelle. Elle est aussi de taille plus imposante avec un diamètre de 7 à 8 cm et un poids de 500 g à un kilo. On la reconnaît aussi à une petite cheville de bois qui ferme une de ses extrémités, cheville qui peut être absente si le jésu est embossé dans un cæcum (partie dilatée et fermée de l’intestin, en forme de cul-de-sac). Le boyau utilisé est un boyau de porc non coloré.
Cette saucisse à cuire est faite d’un savant assemblage de maigre et de gras de porc (avec des taches de couleurs différentes aisément repérables par transparence, à travers la peau), de deux sucres (dextrose et saccharose) et de salpêtre.
On peut cuisiner le jésu de Morteau avec des vins du Jura et notamment en cocotte avec une bouteille de Poulsard. Il est également possible de la faire griller avec du fromage et, plus particulièrement, avec du morbier (voir les fromages) et du vin blanc.
1 Contrairement au « jésus de Lyon » qui s’écrit toujours avec un « s » final.
Au fait, pourquoi appelle-t-on cette saucisse un jésu(s) ?
Parce que son aspect fait quelque peu penser à un enfant emmailloté comme celui de la crèche ou à ceux, colorés et en sucre, qu'on trouvait dans ses souliers, le matin de Noël, avec une orange et quelques papillottes.
Écrit par Jean-Marie Thiébaud.
Crédit photo - ©Alain DOIRE - BFC Tourisme