Si le Vin Jaune est le roi des vins du Jura, le Château-Chalon est le roi des Vins Jaunes.
Château-Chalon, où la présence humaine est attestée depuis l’époque romaine, est un village (en bonne place dans le classement des plus jolis villages de France) dont l’altitude varie de 222 m, au niveau de la Seille qui coule au bas de la montagne (dans la reculée de Baume-les-Messieurs), à 482 m sur la croupe d’une montagne inaccessible sur la plupart de ses faces. C’est sur ce sommet qu’ont été construites sans ordre les habitations.
Au Moyen Âge, Château-Chalon a dû sa renommée à son abbaye de religieuses bénédictines, celles-ci adressant régulièrement du vin produit dans leur vignoble aux souverains qui assuraient leur protection et celles des habitants tous promus « bourgeois du Roi » au nom du duc-comte de Bourgogne.
Ce sont les dames-chanoinesses de Château-Chalon qui, après les Romains, auraient à nouveau mis à profit la géographie du site offrant un ensoleillement maximum sur les pentes de la montagne, en faisant venir des ceps de Tokay. L’écrivain Bernard Clavel vécut un temps dans la maison des mères abbesses de Château-Chalon.
AOC - Château-chalon
L’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) du Château-Chalon, reconnue dès 1936 et confirmée par le décret du 7 octobre 2009, ne recouvre que 48 ha (sur les communes de Château-Chalon, Domblans, Menétru-le-Vignoble et Nevy-sur-Seille), chiffre qui dit à lui seul la rareté de ce vin exceptionnel que Maurice Edmond Sailland dit Curnonsky (1872-1956), surnommé « le prince des gastronomes », classait à égalité avec les quatre ou cinq plus grands vins blancs de France, dont le fameux Château-Yquem.
Comme tous les Vins Jaunes, le Château-Chalon se présente en clavelin (bouteille de 62 cl).
À l’instar de ses confrères Vins Jaunes, il peut, avec son goût prononcé de noix et d’écales de noix (qu’il est parfois nécessaire d’apprendre à apprécier), se déguster :
- En accompagnement des grands classiques de la gastronomie comtoise : truite ou coq au vin jaune, poularde ou croûte aux morilles, truite au bleu, etc.
- Avec un bon pain cuit au bois et un morceau de fromage de comté dûment affiné en cave
- En accompagnement d’un foie d’oie ou de canard
- Voire, tout simplement, avec un mélange de cerneaux de noix fraîches et quelques fruits secs (notamment des figues)
- Mais aussi avec le homard lors de repas gastronomiques exceptionnels.
Château-chalon : L'Histoire
Plutôt que de rappeler les vertus exceptionnelles du Vin Jaune (voir la fiche correspondante), laissons parler l’Histoire avec un H majuscule :
Château-Chalon est célébré dès l’an 280 par l'empereur romain Probus (232-282) qui ordonna par décret qu'on y planta davantage de vignes sur ses collines « si favorables à la qualité des vins qu'on y produit ».
Bernard Burtschy1 nous rappelle que l’empereur Napoléon III, en visite chez le prince Klemens Wenzel von Metternich (1773-1859), affirma boire le meilleur vin du monde : celui du domaine Johannisberg. Metternich lui dit alors :
- Sire, le plus grand vin du monde se récolte dans un petit canton de votre Empire, à Château-Chalon
Plus loin dans le temps, le Château-Chalon s’était déjà taillé une place d’honneur dans les caves et sur les tables des châteaux royaux et princiers. Et si l’on vous demande quel pourrait bien être le dénominateur commun entre les deux plus farouches adversaires de la fin du Moyen Âge, Louis XI et Charles le Téméraire, grand-duc d’Occident, répondez sans hésiter : le vin de Château-Chalon.
Mais sans doute serez-vous intéressé de savoir d’où leur vint cette passion commune.
C’est simple : ces souverains avaient tous deux pour premiers médecins et conseillers des Francs-Comtois : Jacques Coytier pour Louis XI, Jean Saule pour Charles le Téméraire, ces deux praticiens ayant entre eux un autre point de convergence : tous deux étaient Polinois, c’est-à-dire natifs de Poligny. On l’aura compris : ceci expliquait cela.
LE CHÂTEAU-CHALON : UN VIN DE ROIS
Une ultime confidence entre amis (à ne surtout pas divulguer) : la grande année du 20e siècle pour le Château-Chalon est 1934, une année immense dont on espère le renouvellement prochain.
1Lefigaro.fr, 30 janvier 2009.
2Jean-Marie Thiébaud, Médecins et Chirurgiens de Franche-Comté, éd. La Tour Gile, Lyon, 1992. Dans cet ouvrage malheureusement épuisé, on découvre aussi que les médecins des différents ducs de Bourgogne ont très souvent été des Francs-Comtois et même plus spécialement des Jurassiens, amoureux de leur terre d’origine et de ses productions dont le fameux Château-Chalon : Jehan Mercier dit de Poligny et Humbert Quanteal furent successivement médecins de Jean sans Peur, duc-comte de Bourgogne, Thomas Froissard, natif de Sellières (Jura), professeur de médecine à l’Université de Dole, celui de Philippe le Hardi. Quand à Jean Saule, grand adepte du Château-Chalon, il mourut âgé de 102 ans (107 affirme même l’historien Émile Fourquet) et fut inhumé dans l’église du couvent des religieuses Sainte-Claire de Poligny.
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